Michel De Wolf et Laurence Genot, ces candidats N-VA qui aimeraient que la Wallonie soit gérée comme la Flandre: "J'ai apprécié le livre de De Wever"
L'un est tête de liste dans le Hainaut, l'autre tire la liste à Namur. Les deux sont particulièrement pointilleux sur les chiffres et réclament une autre gestion de la Belgique francophone. Au menu, une immigration choisie, une baisse de l'IPP et une limitation des aides sociales. Anne-Laure Mouligneaux, porte-parole francophone du parti, sera pour sa part tête de liste au Luxembourg.
- Publié le 18-04-2024 à 07h18
Pour tirer ses listes à Namur et dans le Hainaut, la N-VA a recruté deux experts en fiscalité et en question entrepreneuriale. La première est Laurence Genot, consultante en management et conseils aux entreprises. Le second est Michel De Wolf, professeur d’université (UCLouvain et ULiège) et ancien président de l’Institut belge des réviseurs d'entreprise. La DH est allé à leur rencontre pour comprendre quels éléments les avaient convaincu de rejoindre la nouvelle liste wallonne de la N-VA.
Qu’est-ce qui vous a décidé à franchir ce pas de vous présenter en Wallonie sur des listes d’un parti qui part de quasiment rien, qui a une certaine image et qui défend le confédéralisme ?
Laurence Genot : "En 2019, j’étais tête de liste à la région chez Destexhe. Je suis restée sur ma ligne, qui était celle de la N-VA du côté francophone. On ne parlait pas du confédéralisme. Mais aujourd’hui, on se rend bien compte que ça bloque à chaque fois que l’on veut former un gouvernement. Si on arrive à trouver des consensus avec des régions beaucoup plus fortes et quelques compétences au fédéral qui sont choisies entre les régions, on arrivera à quelque chose de mieux. Notre volonté est de proposer quelque chose de nouveau."
Est-ce Drieu Godefridi qui vous a contacté ?
LG : "Oui. Nous étions amis sur les réseaux sociaux. Quand il m’a contacté, j’ai été surprise. Je me suis dit "pourquoi pas" car nous défendons les mêmes idées."
Michel De Wolf : "Quatre points m’ont décidé. Le bilan de la Vivaldi est consternant. L’immobilisme, voir tant de choses se déglinguer année après année, voir des partis rester ensemble pour ne rien faire, alors qu’on est tellement interpellé par l’affrontement avec la Russie, la dégradation de l’environnement, la crise au Moyen-Orient, le vieillissement de la population. Et un gouvernement belge qui pendant toutes ces années dit simplement : "on est là", c’est révoltant. A titre personnel, j’ai fêté mes 63 ans, ce me paraît un bon âge pour passer d’une fonction d’observation critique vers une contribution active au changement nécessaire.Sur le plan des contenus, les discours de responsabilité financière, budgétaire, fiscale… cela touche aux matières sur lesquelles je fais des recherches et que j’enseigne. La question d’une gestion dynamique et pas passive de l’immigration, de l’asile, cela me parle aussi. Enfin, j’ai lu, et apprécié, le dernier livre de Bart De Wever, "Woke" ."
Ces constats, les partis traditionnels francophones ne peuvent pas y apporter de réponse ? Le MR n’était pas une terre d’accueil ?
LG : "Je suis libérale. En campagne, le MR est de centre-droit. En coalition, il se laisse aller et il n’est plus assez musclé pour se battre. On n’a pas eu de réforme de l’État avec la Vivaldi."
Sur le plan politique, où doit-on vous situer ?
LG : "Je me définis comme libéral-démocrate."
La N-VA est plutôt libérale-conservatrice.
LG : "Au niveau européen, c’est le centre-droit."
En Flandre, la N-VA est située au centre-droit. En Wallonie, elle est considérée comme de droite dure.
LG : "Parce que la Wallonie est d’extrême-gauche. Le MR va à gauche. Le PS va à l’extrême-gauche dans les propos de Paul Magnette. Au secours."
MDW : "Je n’ai jamais été membre du MR. Je me suis présenté dans les années 80 au PSC. Mais aujourd’hui, je dois surtout constater l’échec global de la Vivaldi. Je veux, à cet égard, rappeler comment s’est développé l’impôt des personnes physiques (IPP) ces dernières années. En 2014, avant la Suédoise, l’IPP représentait 11,6 % du produit intérieur brut (PIB) belge. Ce sont des chiffres publiés par la Banque nationale il y a un mois. En 2019, lors de la dernière année d’impact de la Suédoise, et après quatre ans d’un ministre des Finances N-VA, Johan Van Overtveld, on est descendu à 10,4 % du PIB. C’est une diminution gigantesque. 2023 : on est remonté à 10,8 %. Cette coalition Vivaldi, qui avait dans son programme une préparation de réforme de l’IPP, a non seulement été incapable de la réaliser, mais en plus, elle augmente l’IPP."
LG : "Quand on voit les résultats avec un pourcentage qui augmente, mais avec un taux de taxes qui augmentent aussi, le résultat aurait dû diminuer."
On ne peut pas dire que la Vivaldi a augmenté l’IPP.
LG : "Mais ils n’ont pas indexé assez rapidement les tranches des revenus imposables pour suivre les grosses indexations des deux dernières années. On reprend d’une main ce qu’on a donné de l’autre. Quand on présente aux entrepreneurs tout ce qu’ils doivent payer en taxes, ils découvrent qu’il ne leur reste plus grand-chose. Niveau fiscalité, il y a eu beaucoup de modifications du régional et du fédéral."
La fiscalité, ce sera votre axe de campagne en Wallonie ?
LG : "Michel et moi sommes du secteur, mais ce n’est pas le seul point que nous allons aborder."
Vous dites avoir un discours qui se distingue du MR, mais vous êtes sur la même ligne lorsque vous déclarez que nous sommes beaucoup trop taxés en Belgique.
LG : "Oui, mais dans les actes, qu’a fait le MR pour diminuer ces impôts quand il était au gouvernement ? Rien."
Pensez-vous que les Wallons sont prêts pour ce genre de discours ?
MDW : "C’est justement le sens de notre démarche où des francophones comme nous voulons faire entendre qu’il y autre chose de possible que cette espèce de consensus. Le taux d’emploi, par exemple. En Flandre, il est de 77 %. En Wallonie, de 65 %, à nouveau selon les derniers chiffres de la BNB Pourquoi ? Il faut ajouter un autre chiffre bien plus saisissant : le taux d’emploi des ressortissants hors Union européenne. En Wallonie, il est de 37 %. En Flandre, il est de 54 %. C’est une différence gigantesque, qui plaide pour une Flandre supposée être moins accueillante pour les étrangers que la Wallonie."
Qu’est-ce qui explique cette différence entre les deux régions ?
MDW : "Ce qu’il manque du côté francophone, et dans l’ensemble du paysage politique, c’est le discours très clair de la N-VA sur ces thèmes de l’asile et de l’immigration. Les droits humains sont universels, et entraînent le droit d’asile. Mais il n’y a par contre par « de droit universel » à la citoyenneté et au territoire belges, de telle sorte que l’immigration hors asile peut être conditionnée à des devoirs de contribution et d’intégration. Prenez l’exemple d’Anvers et de sa police : Bart De Wever a augmenté la proportion de policiers d’origine immigrée. Mais il n’a pas baissé le niveau de la police. Il n’a pas fait de la discrimination positive en baissant les critères de recrutement. Il a dit : « Vous voulez, vous vous intégrez ». C’est ce langage qui manque en Wallonie."
Vous défendez le modèle de l’immigration choisie...
MDW : "L’immigration doit être légale. Bien sûr, l’immigration en provenance des 26 autres pays membres de l’Union européenne, c’est de l’immigration légale. Personne ne propose de mettre la moindre limite à ce qu’il y ait plus d’italiens ou de portugais. On partage la même communauté de valeurs. Pour le reste, nous pouvons soutenir que l’immigration est excessive en Wallonie au vu de la contribution économique actuelle de celle-ci. 37 % de l’immigration hors-UE qui contribuent et 63 % de celle-ci qui reçoivent, cela doit changer."
Quelle est la solution ?
MDW : "Pour l’immigration hors UE, il doit y avoir des conditions plus strictes de contribution avant d’obtenir une résidence permanente en Belgique. Des critères de diplômes, de langues, par exemple. Aujourd’hui, pour des raisons idéologiques, plusieurs partis wallons n’osent pas dire non, et n’osent pas expliquer le coût d’une politique d’immigration - j’insiste pour dire que je ne parle pas de l’asile - trop généreuse, qui s’inscrit elle-même dans un contexte de sécurité sociale extrêmement généreux. Prenez les allocations de chômage à durée indéterminée, les allocations d’attente, le revenu d’intégration…"
N’est-il pas normal d’augmenter les allocations sociales ?
MDW : "Bien sûr que les plus faibles doivent être soutenus. Mais le premier soutien, le premier facteur d’intégration et d’équilibre pour la population adulte, c’est le travail. Or savez-vous que la Vivaldi a augmenté le revenu d’intégration de 12 % hors indexation au cours de la législature ? Ceci n’est absolument pas cohérent avec la volonté de rendre le travail plus attractif que le non-travail. Continuer à faire ce que la Vivaldi a fait, c’est en outre fragiliser le système, en le rendant non soutenable."
Drieu Godefridi est étiqueté par certains comme une figure d’extrême-droite. Etes-vous d’accord ?
LG : "Je ne pense pas que Drieu soit d’extrême-droite, sinon je ne serais pas là. Les gens ont beaucoup de préjugés. A un moment, quand je militais au MR, on m’a traité de Marine Le Pen alors que je ne suis pas du tout comme ça. Parce que j’étais davantage de droite sur certains points."
MDW : "Je ne le connais pas. Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois. J’imagine que la N-VA, qui est très soucieuse d’éviter toute confusion avec l’extrême-droite, ne l’aurait pas mis comme tête de liste s’il c’était le cas."
Comment allez-vous mener campagne en Wallonie ? Avec quels moyens ?
LG : "La N-VA est le premier parti de Belgique. Elle nous soutient. On sera aidé par nos pendants flamands."
Le projet de la N-VA en Wallonie est-il sérieux ?
LG : "Très sérieux. Avec le MR, ce n’était pas très organisé. Avec Destexhe, on avait fait un peu tout à l’arrache. Avec la N-VA, on se sent vraiment entouré. C’est organisé à la flamande. La N-VA, c’est une machine de guerre."
MDW : "Notre objectif n’est pas de faire passer la Wallonie sous direction flamande, mais de faire entendre en Wallonie une alternative à une gestion de gauche ou de centre gauche en Wallonie. La N-VA en Wallonie, c’est en réalité la « Nouvelle et Véritable Alternative » (NVA)."
Mme Mouligneaux, allez-vous faire campagne au Luxembourg ?
Anne-Laure Mouligneaux : "Ma candidature n’est pas symbolique. La N-VA voulait vraiment être présente partout. Pour que le projet puisse être diffusé partout, j’ai décidé de m’engager au Luxembourg. Les problématiques, qu’elles soient dans le Luxembourg, dans le Hainaut ou à Namur, restent les mêmes. Ce sont des thèmes qui touchent tout le monde."